Le 2 avril 2020
Écrire en île confinée
Au sens pascalien se divertir et s’abstraire
Des « miasmes morbides », dixit Baudelaire,
Grâce aux « armes miraculeuses » de Césaire,
Rimbaldienne alchimie, poétique, littéraire,
Pour t’affronter avec courage
Satané coronavirus dont la rage
Ne saurait altérer la respiration des poètes
Et de tout moun, de par le monde, en créole comme en italien comme en toute langue du tout monde,
À ce maudit fléau opposant les mots dits en poétiques laïus
Qui toujours parviendront à faire une vivifiante ronde
autour du monde,
Triomphant des fièvres et virulences
En fervente célébration de la Journée mondiale de la poésie, le samedi 21 mars,
Éclipsée par la pandémie.
Dans cette ambiance apocalyptique se révèlent solidarités ou irresponsabilités,
Héroïque dévouement ou mauvais penchants, politichiens et charlatans :
« Apocalypse » ne vient-il pas du grec ἀποκάλυψις (apokalupsis) qui signifie « révélation » ?
Quand s’ouvrit la boîte de Pandore
Et que s’en échappèrent tous les maux
Acharnés à ravager le monde,
Au fond demeura l’Espérance.
S’en libérèrent tous les mots.
On va gagner, pas les doigts dans le nez,
Mais les mains très souvent lavées.
« Pli ta, pli tris » dit le proverbe créole. (« Plus tard, plus triste »).
« Nous sommes en guerre », martèle la présidentielle anaphore,
Mais nous nous sommes engagés trop tard dans la bataille,
Nous entrons dans le combat sans bâton,
Quasiment sans munitions,
Sans une quantité suffisante de respirateurs, de masques !
« Mascarade », dixit l’ex-ministre de la Santé,
Le premier tour aurait dû être reporté, le second tour n’aura pas lieu dans la foulée.
Eia, clamons-nous en cette pandémie,
À l’instar du chœur des tragédies antiques : « Allons ! Courage ! »
Sursum corda, haut les cœurs !
Plus que jamais, CARPE DIEM, cueille le jour !
En ce nécessaire confinement en France hexagonale et d’Outre-mer,
– Je refuse de dire « Métropole », ça pue la condescendance,
La cité de référence,
Ravalant les ultramarins au rang d’ultra-riens –,
Pour préserver nos vies il faut accepter que nos lieux de vie soient vides,
Afin qu’on vide ce Covid !
À nos amis italiens :
- et en particulier au Pr Giovanni Dotoli (qui m’a brillamment présentée lors de la remise de mon Prix européen francophone Virgile – Senghor),
- À Max, Ponte de la poésie,
- À Leonarda Oliveri, ma traductrice sicilienne, volcanique comme moi, son Etna en coïncidence et correspondances avec ma Montagne Pelée,
- Au pétulant Walter Pozzi et son fils, le spirituel Manuel,
- À Sabrina Campolongo, qui sut être ma brillante interprète,
- À la féline Enrica Merlo,
- et à toutes les personnes dont j’ai le souvenir au cœur,
« Tjébé rèd, pa moli ! Sé moli-a ki rèd ! » (Tenez bon, ne mollissez pas ! C’est mollir qui est raide.)
Pointe-des-Nègres, Martinique – lieu de débarquement de mes ancêtres esclaves déportés d’Afrique pendant la traite négrière ,
Vendredi 20 mars 2020
Plages interdites en confinement draconien
Cette « version absurdement ratée du paradis » dont parle Césaire, la Martinique commence à lui ressembler de plus en plus, avec torture infernale de surcroît : à l’horreur de l’épidémie et aux affres du confinement s’ajoute une espèce de supplice de Tantale, la tentation de la mer qui vous tend les bras, toute proche, où l’on meurt d’envie de plonger mais que l’on n’a plus le droit d’approcher.
On la voit quasiment de partout, la mer, la Martinique est une île, et minuscule !
Pas de câlins ni d’embrassades d’amis humains, pas de caresses de la mer, ah, quelle galère !
Mais ce sacrifice est absolument nécessaire.
Rester chez soi est strictement obligatoire pour endiguer la propagation du virus.
Il faut respecter la fameuse distanciation sociale.
Je confesse que je supporte bien le confinement, je suis casanière, ma vie c’est écrire, à la maison, mais je souffre cruellement de ne pouvoir me baigner à la mer ! Mais cette petite mortification est vitale. Je suis obligée de rêver d’une piscine d’eau de mer, très malheureuse de ne pouvoir aller prendre mon bain de mer quotidien. Doux rêve dur à réaliser car il me faut, non pas une petite pataugeoire mais de quoi faire plusieurs brasses, pas une piscine olympique mais quand même de quoi nager à l’aise.
Jusqu’ici je boudais les piscines, leur préférant l’immensité de la mer, mais là je m’en contenterais. Je suis si frustrée que je m’en satisferais, s’il y a assez de place pour nager…
« Homme libre, toujours tu chériras la mer », dixit Baudelaire. Ce maudit coronavirus met à mal non seulement les corps mais aussi les libertés.
Ce sont les comportements excessifs et irresponsables de gens qui ne comprennent rien à rien et se sont agglutinés sur les plages qui font durcir les mesures. Pourvu que ça serve à quelque chose, ce confinement draconien ! Vivement le médicament ! Vivement la fin de la pandémie ! Sans bains de mer j’avoue que j’ai du mal à tenir.
Au quatrième jour, les gendarmes envahirent les rochers pour aller en déloger un inoffensif pêcheur à la ligne parfaitement solitaire.
Je sais qu’il faut respecter le confinement, mais sans plage, c’est trop cruel. On aurait dû instaurer un système de distanciation obligatoire comme dans les supermarchés, comme dans les bureaux de vote ! (Ils ont bien su le faire pour maintenir le premier tour des élections municipales !)
Et puis, l’OMS dit que le confinement ne suffit pas à vaincre le coronavirus… Ah, si l’on avait assez de masques à distribuer ! …
Ibidem[1], samedi 21 mars 2020
[1] « Ibidem » signifie « au même endroit », en latin
Corée versus coronavirus
Nolo contendere, je ne veux pas contester la loi d’urgence sanitaire, mais…
J’en viens à envier la Corée du Sud, victorieuse dans la joute Corée versus coronavirus.
Atteinte aux libertés pour atteinte aux libertés, je préfère le dépistage massif au confinement !
Surtout si l’obstacle est d’ordre pécuniaire !
De grâce, la vie des gens avant l’argent !
D’autant plus que le calcul paraît erroné : un pays à l’arrêt ne coûte-t-il pas plus cher qu’une multiplication des tests ?
La guerre sanitaire, « Quoi qu’il en coûte », ai-je ouï dire…
Raï chien, di dan’y blan ! Hais le chien mais dis que ses dents sont blanches !
Une solution locale dans la lutte contre le coronavirus : les rhumeries de l’île entrent à leur tour dans le combat, mettant à disposition de l’alcool pur à destination de certaines structures en capacité de produire du gel hydroalcoolique, dans une Martinique frappée par la pénurie.
L’union fait la force. An lanmen ka lavé lòt ! (Une main lave l’autre !)
Sur ces entrefaites, à la une : « Quand les conflits d’intérêts priment sur la santé des Français :
Karine Lacombe, qui fait tout pour décrédibiliser les travaux du Pr Raoult, a touché de l’argent d’Abbvie & de Gilead pendant 5 ans.
Or Abbvie & Gilead produisent deux médicaments contre le COVID 19. Par conséquent, la chloroquine (pas chère et tombée dans le domaine public) est un concurrent qui pourrait leur faire perdre beaucoup d’argent. »
À vomir, même sans être malade, infecté par ces procédés infects ! Après Les Mains sales et la Peste, La Nausée et « l’enfer, c’est les autres ».
Au secours, Sartre, Camus et les autres !
RIP, Requiescas In Pace, repose en paix, Manu Dibango, extraordinaire musicien, et toi, Alain, héros ordinaire, chef de la sécurité au centre commercial d’Aulnay-sous-Bois, tous deux victimes de cette saleté de coronavirus !
« On ne quémande pas une prime, rappelle le responsable syndical. Mais des précautions, pour tous ces gens qui sont au front. Alain était l’un de ceux qu’on a envoyés au casse-pipe, sans précautions. »
Surgit l’idée de l’épreuve de philo 2020 :
« L’humain est-il capable de s’empêcher de vivre pour ne pas mourir ?
Vous avez six semaines. »
Pointe des Nègres, 8e jour de confinement, mardi 24 mars 2020
Volcanique sagesse
La volcanique sagesse de mon oxymorique Martinique natale a souvenance que le 8 mai 1902, au mépris des signes avant-coureurs de l’éruption de la Montagne Pelée, on refusa d’évacuer la population de Saint-Pierre : il y avait des élections prévues, on voulait que les gens restent voter. Il y eut des dizaines de milliers de morts.
Tirer la leçon de l’expérience et suivre les bons exemples d’où qu’ils viennent, avec discernement. La France devrait savoir faire ça, si ses dirigeants ne l’en empêchent par une gabegie mortifère et diverses tactiques erratiques, à tâtons, à l’aveuglette, au jour le jour.
Plutôt que la vaine tactique « on se terre et on attend », la stratégie « sus au virus, on teste, on teste, on le traque, on teste tous azimuts, et on soigne les malades avec les bons médicaments » !
C’est une guerre ? Il faut envisager une campagne de dépistage massif, afin de préparer la sortie du confinement et d’éviter un rebond de l’épidémie.
Pourquoi ne pas suivre les bons exemples ? Puisque l’on n’est même pas sûr que le confinement soit efficace, pourquoi s’obstiner à le prolonger ?
Les USA et l’Allemagne n’imposent pas le confinement, les États-Unis d’Amérique tiennent à s’assurer de rester la première puissance mondiale, et quant à l’opulente République fédérale d’Allemagne, elle pourra asseoir son hégémonie à la tête de l’Europe face à une France exsangue, démoralisée, ruinée, vidée de ses forces vives au sortir d’un long confinement.
En l’état actuel des choses, il serait suicidaire de prolonger le confinement au-delà de la date initialement prévue. Il faut cesser le confinement ! Les fameux quatorze jours suffisent.
Pourquoi ne pas suivre les bons conseils, les conseils d’espoir, au lieu d’adopter une attitude de fuite, de reclus, de condamnés à l’inaction ?
Si c’est une guerre il faut donner l’assaut et non pas se cloîtrer, faire preuve de bravoure et non de lâcheté, d’audace et non de passivité, de résistance et non de fatalisme, affronter le danger et non se replier, soumis à un retranchement contraignant ; il faut déployer une batterie de tests.
« Testez, testez, testez », martèle l’OMS pour combattre le coronavirus.
C’est une guerre ? Alors va pour l’effort de guerre, la fabrication massive des armes qui ont fait leurs preuves. Et si c’est trop tard pour en fabriquer, en avant, les milliardaires, des sous par millions pour en acheter !
Trêve de chauvinisme mesquin ! C’est un Français, c’est un médecin, – quel que soit son style atypique –, qui préconise un traitement par la chloroquine à laquelle on ajoute l’azithromicyne, un antibiotique contre la pneumonie pour éviter les surinfections bactériennes, un cocktail dont les résultats se sont révélés spectaculaires sur les patients atteints du Covid-19.
C’est une guerre ? Il faut se battre et non battre en retraite !
Il n’y a aucun argument en faveur de la prolongation du confinement et tellement d’arguments contre ! Les contre-arguments et les arguments fallacieux sont vite écartés. Les éventuels effets secondaires ?… Mieux vaut courir un hypothétique risque de problèmes cardiovasculaires plutôt que de mourir !
Qu’est-ce qui empêche la France de reprendre une vie normale en limitant le nombre de morts, en soignant les malades à l’aide des médicaments qui se sont révélés efficaces, sans tarder, car tarder c’est criminel, tarder c’est laisser mourir.
Déchaînement des violences familiales dans le huis clos du confinement, explosion de la délinquance dans les fameuses zones de non-droit derrière le dos des policiers occupés à faire appliquer la loi du confinement, une année d’études gâchée, flambée de mutineries dans les prisons… Si jamais le printemps est chaud et si ça traîne jusqu’à l’été, ne peut-on craindre l’embrasement ? Mais qui a envie d’une France à feu et à sang pour cause de trop long confinement ?
« L’idée du cantonnement des gens pour bloquer les maladies infectieuses n’a jamais fait ses preuves. On ne sait même pas si ça fonctionne. C’est de l’improvisation sociale et on n’en mesure pas du tout les effets collatéraux. Que se passera-t-il quand les gens vont rester enfermés chez eux, à huis clos, pendant 30 ou 40 jours ? En Chine, on a rapporté des cas de suicides par peur du coronavirus. Certains vont se battre entre eux », dixit le Pr Raoult.
Et l’économie sinistrée, ça ne compte pas ?
Pourquoi n’écouter que les Dr Tant Pis et dédaigner la voix de la sagesse ?
Quels sont ces conseils de médecins qui ignorent les conséquences désastreuses d’un interminable confinement sur la psychologie de la population, sur l’économie du pays ? Pourquoi s’obstiner à imposer une stratégie suicidaire ?
« Prendre 100 personnes, la moitié avec des parachutes et l’autre sans, et compter les morts à la fin pour voir ce qui est plus efficace. Quand vous avez un traitement qui marche contre zéro autre traitement disponible, c’est ce traitement qui devrait devenir la référence. Et c’est ma liberté de prescription en tant que médecin », affirme le Pr Raoult.
Suzanne Dracius,
Pointe des Nègres, 9e jour de confinement, mercredi 25 mars 2020
Chlorophyllienne claustration
En fait je réalise que je ne suis pas sortie, si ce n’est dans mon jardin, depuis que les gendarmes m’ont fait sortir de la mer le fameux vendredi. Ouais, un vrai confinement depuis le 20 mars, mais cet enfermement est quand même aéré, une chlorophyllienne claustration, avec mes arbres alentour, mon cher petit oranger qui donne quelques oranges pour la prisonnière que je suis, elles sont presque à maturité, je vais bientôt pouvoir en manger.
Une toute petite orange pas plus grosse qu’une balle de ping-pong est tombée, toute tristounette. Bizarre, puisqu’il n’y a pas de gros vent. Elle n’est quand même pas coronavirée ?
Le pommier d’eau vient de fleurir en splendides fleurs fuchsia, un petit cocotier s’apprête à remplacer celui qui avait été foudroyé et cet autre, qu’un cyclone avait décapité.
Le renouveau est là, « La vie est là, simple et tranquille », dixit Verlaine. « Cette paisible rumeur-là vient de la ville »… Là, vraiment hyper paisible !
Je prends du soleil sur ma terrasse, vitamine D, c’est bon pour le moral, c’est bon, bon, comme dans la chanson !
Et pour l’activité physique je danse et monte et descends l’escalier menant à la cuisine, du step, n’est-ce pas ? Je n’ai pas encore compté les marches, je n’en suis pas encore là, mais je sens que ça viendra.
Et de méditer l’idée que le confinement est un concept bourgeois inadapté aux banlieues surpeuplées et aux quartiers populaires, en Martinique comme dans l’Hexagone…
Puisqu’à distance ça ne craint rien, bisous, bizouk, be zouk : « Zouk-la sé sèl médikaman », « le zouk, c’est le seul médicament », dixit Kassav… (Faute de nage, je danse…)
Le 02 avril 2020