Le 2 mai 2023
Le Parlement des écrivaines francophones par Sylvie LE CLECH
Parmi les réseaux culturels d’entraide et de création collective, consacrés aux expressions des femmes par l’écriture, tous les types d’écriture, fiction, poésie, histoire, essais, théâtre et cinéma, journalisme, le Parlement des écrivaines francophones constitue une approche originale. « Donner de la voix » disait l’une d’entre nous, c’est exprimer, depuis sa position d’écrivaine, un point de vue sur les grandes questions sociales, environnementales, artistiques et sur le sort fait aux femmes dans tous les pays du monde. Ces valeurs partagées président à la naissance de ce collectif né à Orléans en 2018 et soutenu par l’organisation internationale de la francophonie (OIF). Né d’une proposition de Fawzia Zouari, écrivaine et journaliste tunisienne, avec le soutien de Leïla Slimani et Sedef Ecer, le Parlement des écrivaines francophones regroupe plus de 200 écrivaines de plus de 30 nationalités qui ont toutes en commun l’écriture en français, qu’il s’agisse de leur langue maternelle ou de leur langue apprise. Soutenu dès le départ par la ville d’Orléans, au cœur d’une région qui a vu se structurer le français, le parlement est littéralement un lieu où l’on parle, c’est-à-dire qu’on y débat, qu’on s’y accorde, en groupes de travail ou en présence du public. Lors de notre première édition, c’est dans la salle du conseil municipal que nous avons écrit et discuté le texte de notre « Manifeste », diffusé dans plusieurs médias nationaux :
C’est encore lors de nos sessions annuelles que nous avons rencontré tous les publics, dans des lieux aussi divers que la Médiathèque d’Orléans, le palais des anciens évêques transformé en salle de conférence, le Fonds régional d’art contemporain. Je me souviendrai toujours de cette jeune femme « différente », qui a tenu à faire en fin de session, un petit discours spontané sur sa perception de notre table-ronde. Lectures, discussions sur les engagements de chacune dans l’écriture comme don de soi et comme existence au monde, accueil en 2021, lors de la carte blanche qui nous a été confiée par la ville dans le cadre de sa manifestation culturelle, les « Voix d’Orléans », d’une femme afghane apportant son témoignage sur la situation des femmes suite au retour des talibans à Kaboul, tous ces événements ont formé des lieux de cohésion et favorisé des échanges avec la société. Le salon du livre nous avait déjà accueillies en 2019, sur le pavillon des Outre-mer, nous étions programmées pour participer à celui de 2020, annulé. Nous avons alors du innover comme tant d’autres collectifs, en continuant à nous retrouver à distance, pour concevoir d’autres rencontres imaginées par les unes et les autres avec le soutien de femmes intéressées par nos interventions qui purent reprendre après le confinement, comme les soirées de La galerie Mémoire d’avenir, L’institut culturel français de Iasi en Roumanie en 2022, à l’heure où d’autres femmes subissaient la guerre en Ukraine
Ecrire ensemble est notre deuxième axe. Les femmes créent souvent dans le secret d’une « chambre à soi » telle que la rêvait Virginia Woolf, cette écriture prend du temps alors que notre monde est épris de vitesse et d’immédiateté. Comment répondre à ce défi de manière à la fois individuelle, car chacune a son style et ses thèmes de prédilection, et par la voie du collectif ? Dès 2018, nous avons décidé d’éditer des recueils de textes sur des thèmes que nous avions choisis : la première anthologie est parue aux Editions Corsaire d’Orléans (2018)
https://www.corsaire-editions.com/brands/parlement-des-ecrivaines
La seconde, Corps de femme, corps de fille (2023) a été rendue possible grâce à l’engagement des Editions des femmes (https://www.desfemmes.fr/corps-de-filles-corps-de-femmes-avec-le-parlement-ecrivaines-francophones/).
Complètent ces écritures d’autres tribunes ou textes sur notre site Internet :
https://www.parlement-ecrivaines-francophones.org/
Faire groupe quand la langue et le genre nous relient, au-delà des distinctions et origines est un défi lancé aux aléas de la vie et de la mondialisation qui peut niveler. Virginia Woolf, toujours elle, se pose la question de savoir si les femmes qui écrivent seraient dangereuses ? Nous avons tranché par l’affirmative, mais les accusées de notre « Grand procès des écrivaines », montré en 2020 pour la première fois au Sénat puis en 2021 à Orléans ont toutes été acquittées par le public, à l’issue d’un marathon de témoignages et de plaidoiries où chacune a démontré l’inanité d’un monde qui voudrait que les filles soient ignorantes, tel cet apprenti législateur excentrique sous la Révolution française, auteur d’un projet de loi interdisant aux femmes d’apprendre à lire, car leur instruction les rendrait stériles ou venimeuses donc dangereuses pour la société.