Laeticia KLOTZ

Autrice, poétesse et performeuse

Autrice, poétesse et performeuse, j’allie depuis plusieurs années mon travail artistique, la transmission et mon goût pour les voix et les émotions qui y affleurent. 

Issue de l’histoire d’amour improbable entre un Français d’origine juive alsacienne et une immigrée vietnamienne née à Djibouti, le voyage rythme ma vie depuis l’adolescence. A 26 ans, je pars pour le Yémen avec mon conjoint. Ce pays est une révélation. La relation particulière que je peux établir avec les femmes aussi. Leur univers est une alcôve. Je n’avais jamais connu ce genre d’espace auparavant ; ce temps féminin.

Au bout d’un peu plus de trois ans, nous devons quitter le Yémen pour partir en Arabie Saoudite. La réalité y est très différente. Je subis de plein fouet la ségrégation hommes/femmes et la ségrégation étrangers/Saoudiens. Je découvre une autre vie : celle du camp d’expatriés et des journées entières entre femmes. C’est dans cette voie que mon séjour prendra du sens. En 2016, nous reprenons la route de l’itinérance, vers l’Asie et nous installons à Singapour. Parallèlement à mon travail d’enseignante de Français, je m’investis à HOME, une association qui vient en aide aux employées de maison maltraitées. J’y découvre une réalité humaine désolante, mais aussi, l’entraide et la bonté, entre femmes. En 2018, l’appel de l’Afrique des Grands Lacs se fait sentir. Destination : l’Ouganda. J’y renoue avec une passion qui me suit depuis la fin de mes études : la radio. Avec quelques collègues, nous montons Bonjour Kampala, la première radio francophone en Ouganda. J’y anime un podcast sur les femmes « L’École des Femmes ».

Diplômée de Sciences-Po Bordeaux, je rêvais un peu d’une carrière de diplomate internationale. J’ai travaillé à l’Unesco à Paris, ensuite, j’ai goûté au monde de l’ambassade, notamment à Madrid. Au Yémen, j’ai commencé à travailler dans la presse écrite pour le Yemen Today, c’était beaucoup plus excitant que tout ce que j’avais pu faire auparavant. J’ai aussi donné des cours de Français. J’ai aimé l’échange et ai repris mes études pour pouvoir enseigner le Français Langue Etrangère (FLE).

J’ai collaboré à Paroles d’Enfance, (ouvrage collectif, Les Arènes/Radio France, 2008), Grimper Magazine, Our homes, our stories : voices of migrant domestic workers (ouvrage collectif, HOME, 2018), à la revue XXI et à la revue 6Mois. En novembre 2020, j’ai publié Intime Arabie, confidences saoudiennes aux Éditions Transboréal. J’y raconte la vie dans un camp d’expatriés et les trajectoires des femmes. D’un côté les étrangères, de l’autre, les Saoudiennes. Nos vies entravées s’y narrent en miroir mais se croisent peu. Dans ce livre, j’aspire à nous raconter ensemble, à dire les rêves, les espoirs, les frustrations et les possibles pour les unes et les autres. J’y retranscris les témoignages des Saoudiennes qui m’ont ouvert leurs portes et leur cœur, dans ce royaume qui reste, celui des hommes.

Aujourd’hui, ma démarche artistique vise à incarner les voix des femmes à travers le monde. A raconter les trajectoires, les destinées, la transmission générationnelle. Alliant le récit vrai du podcast, l’écriture du réel et l’écriture créative, les jeux poétiques et phoniques, j’ explore les chants des possibles pour narrer la vie, ses ardeurs et ses soubresauts. Dans cette voie, je me consacre essentiellement à la poésie – qui me permet de raconter le monde et d’être au monde – et au podcast ( podcast Tout Sur Ma Mère – La transmission de mère en fille).

Maman

Maman

Jaune africanisée

De nulle part et de partout

Citoyenne du Monde.

Dis-tu.

Jolis mots pour ne pas dire, le déracinement, l’absence, l’exil.

Comment te donner, Maman, les racines ?

Tu es.

L’enfant des sables et des rizières

Des vents brûlants et des côtes salées

Indochine inattendue déversée

Sur la corne djiboutienne un soir d’été.

Maman, tu es.

La sœur de l’Artha

Qui cajole malgré ses frêles années

D’enfant trop tôt responsabilisée

Qui fronce le front face à l’injuste colon

Et dans la Mer Rouge, tout au fond,

Cache ses larmes d’en avoir été arrachée.

Maman, tu es.

La fillette qui résiste aux tempêtes

Qui donne la joie quand la mousson s’en est allée

Qui tend la main quand le riz vient à manquer
Sur qui elle compte quand ta mère ne sait pas parler.
Maman, tu es.

Jaune africanisée

De nulle part et de partout

Citoyenne du Monde.

Dis-tu.

Jolis mots pour ne pas dire, le déracinement, l’absence, l’exil.

Comment te donner, Maman, les racines ?

Tu es.

La jeune fille qui marche dans Paris trop froide

Les pieds recroquevillés dans des chaussures qu’elle n’a jamais portées

La peur au ventre de se faire remarquer

Parmi tous ces autres qui savent eux s’exprimer.
Maman, tu es.

L’héritière d’une lignée de femmes

Courageuses et endurantes

Des hauts plateaux aux mangroves humides

Du delta du Mékong aux plaines nourricières.

Maman, tu es.

La première femme de ma vie

En exil indéfini

Aux aguets d’une île, un soleil. Qu’il te faudra trouver

Espoir idéalisé

Horizon sécuritaire fantasmé d’une terre

Qui t’accueillerait. Et t’aimerait.
Maman, tu es.

La mère qui façonne le foyer

Qui sème malgré la roche sèche et amer

Qui élève malgré l’angoisse en bandoulière

Qui incite à partir, à quitter, à user ses souliers

Parce que les racines, Maman, tu les portes en toi, tout au long de l’exil.

Jaune africanisée

De nulle part et de partout

Citoyenne du Monde

Maman, tu es.

Références