Le 24 mars 2020
Les statistiques sont affolantes. Un milliard de personnes infectées sur la planète. 900 morts par jour en Italie. 3,000 malades en France. Et ainsi de suite… Au Québec, le virus aurait déjà atteint 200 personnes et causé 5 décès. Certains quartiers de Montréal sont particulièrement touchés comme le quartier Saint-Luc, devenu l’épicentre de la contagion, à la suite de cérémonies religieuses organisées par la communauté juive hassidique. Rappelons que le point de départ de la contagion est aussi lié, en France, à un rassemblement évangéliste à Mulhouse et que l’un des principaux foyers de la grippe espagnole avait été, au siècle dernier, le Congrès eucharistique de 1918 réunissant à Victoriaville — située à 200 kilomètres de Montréal — 40,000 personnes venues d’un peu partout dans le monde. Force est de constater que la foi, quelle qu’en soit l’allégeance, ne garantit aucune protection sanitaire.
Au Québec, le Dr Horatio Arruda, directeur de la Santé publique de la province, a fait le pari d’aplatir la courbe de propagation du virus. Comme le Dr Rieux de Camus et avec les moyens mis à la portée, il tente d’enrayer la progression de l’épidémie, d’en limiter autant que possible les effets. Chaque jour, à 13 heures, en compagnie du premier ministre, et de la ministre de la santé, il tient une conférence de presse exhortant la population à suivre les consignes et l’informant des derniers développements. Aux dernières nouvelles, on prévoit environ 18,000 cas fin avril et 2000 hospitalisations, ce qui correspond à la capacité d’accueil du réseau de la santé. Ce sont là des statistiques que l’on qualifie d’« optimistes »… Maigre espoir, à quoi il faut se raccrocher malgré tout.
Afin de rendre cette prévision réalisable, il a fallu, alors même qu’il n’y avait que 9 cas de covid-19 confirmés, fermer les écoles, les universités, les restaurants, les centres sportifs, les théâtres, les cinémas, les bibliothèques, les boutiques. Il a fallu aussi renoncer à tout déplacement jugé non indispensable : adieu le Salon du livre de Paris (déjà annulé), les rencontres prévues à l’Espace des femmes et à la Sorbonne nouvelle, au cabaret du PEF, etc. Même l’émission de RFI, qui devait pouvoir s’enregistrer à distance, a été reportée… À Montréal, seules restent ouvertes les épiceries et les pharmacies, comme en France où le confinement est obligatoire. On vient tout juste d’interdire tout rassemblement, ce qui concerne aussi les lieux de culte.
Chaque jour, le Dr Arruda donne des leçons d’hygiène et de distanciation sociale. Il arrive même à ce médecin né au Québec de parents récemment immigrés des Açores, de décrire à la télé une recette de tartelette dont le secret viendrait de Belém, au Brésil, et de conseiller aux adolescents de reporter à plus tard « leurs échanges de produits biologiques ». Les fossettes rieuses et le sourire contagieux, il explique, répond aux questions, apporte les précisions souhaitées, utilisant aussi bien le vocabulaire médical que des termes plus accessibles au public.
Grâce au Dr Arruda et aux mesures draconiennes adoptées par l’équipe gouvernementale au tout début de l’épidémie, le Québec, au temps du corona, fait figure de « société distincte ».
Le printemps est arrivé. On voit de moins en moins de neige dans les jardins. Les enfants se promènent à bicyclette dans les rues. On se croirait presque en vacances…
Où en serons-nous en avril ? Que deviendra le pari du Dr Arruda? Seul l’avenir le dira.
À suivre …
Lise Gauvin
Membre du PEF « Chronique du confinement » Montréal, 22 mars 2020