Le 7 mai 2020
Les mots confinés
Ce soir en ouvrant un livre, j’ai regardé les mots autrement. Une multitude de questions me vinrent à l’esprit. Que ressentent ces mots condamnés au confinement éternel ? Comment vivent-ils cet enferment, cloitrés à jamais dans le creux d’une jaquette ? Ces mots couchés sur les pages, disciplinés, respectant les distances grammaticales pour ne pas porter atteinte à la santé de nos idées, ont l’air de dormir profondément. A vrai dire, il n’en est rien. Ce sont des prestidigitateurs qui nous donnent l’illusion du sommeil. Nous les voyons allongés, immobiles, sur les lignes, mais ils ne sont aucunement emprisonnés. En fait, à chaque fois que nous les sollicitons ils se libèrent et nous libèrent. C’est grâce à leur magie que les portes de notre confinement s’ouvrent, leur permettant d’envahir l’ambiance de notre espace, telles des montgolfières, par milliers. Ils allument les étoiles et réveillent les rêves. Le bruissement de leurs ailes déployées se fait entendre, en s’échappant de l’étreinte des pages. Qui de nous n’a jamais écouté cet air que fredonnent les pages quand elles tournoient ? Leur chant nous fait pousser des ailes et nous les accompagnons dans leur voyage.
De retour, derrière les fenêtres, la lune se dandine au rythme cadencé d’un concert joué en l’honneur de la liberté. Le confinement s’adoucit et les murs deviennent transparents.
Le 07 mai 2020