Le 7 juillet 2024
LE MONDE DES LIVRES
Vendredi 5 juillet 2024
Page 9
May Ziadé, « femme nouvelle »
Carmen Boustani, écrivaine et universitaire franco-libanaise, dont le travail sur la littérature francophone et féministe étrangère a été récompensé par le Prix d’excellence du CNRS en 2012, retrace le destin de la Palestino-Libanaise May Ziadé (1886-1941). Cette femme de lettres, journaliste et essayiste, poète et épistolière, signait aussi des biographies qui contribuaient au renouveau de l’historiographie féministe. Boustani prend ce même parti (qu’elle avait déjà adopté avec la biographie d’Andrée Chedid – Flammarion, 2016).
Le récit, parfois très poétique, est ponctué d’extraits des écrits de Ziadé et de ceux de ses proches, suggérant ainsi comment elle participa à la réforme intellectuelle de la Nahda – ce mouvement né en Egypte, dans un contexte de délitement de l’Empire ottoman, en appelait à une culture arabe plus laïque et libérale, démocratique et multiculturelle, et souhaitait tisser de nouveaux liens avec le savoir occidental. Ces revendications nationalistes aident à « faire émerger le concept de la femme nouvelle », où l’égalité des genres répond à l’égalité des peuples.
« Liberté métaphysique »
Boustani pense de pair la carrière politique de Ziadé et son destin personnel. La mort prématurée de son frère et sa mélancolie, ses amours malheureuses, ses navigations en Méditerranée et ses flâneries au Caire ou à Rome, sa virtuosité musicale sont autant de moteurs de sa « passion d’écrire ». Si communément « la femme vit dans une symbolique de la reproduction qui s’oppose à la production, c’est-à-dire la création », Ziadé a su y résister. Pour elle, « la poésie est seule susceptible de changer le monde », seule capable de porter son besoin de « liberté métaphysique », seule capable de continuer l’« impression de bleu », la « sensation du grand large » tirées de son enfance.Sidonie Blaise
May Ziadé. La passion d’écrire,
de Carmen Boustani,
Des femmes/Antoinette Fouque, 320 p., 24 €, numérique 18 €.